Accepterions-nous une « OPA médicale » sur la formation des psychologues cliniciens ?

Toujours et plus que d’actualité dans • Psychologues et Psychologies n° 18o (SNP)

Lisant et relisant ce texte ...(cf encadré p.71) nous sommes stupéfaits, scandalisés et nous interrogeons sur
la contradiction majeure qu’il fait apparaître entre les propos plutôt rassurants du ministre et ces projets de
médicalisation de notre discipline ! De plus, ce texte véhicule des propos erronés et disqualifiants sur notre
cursus. Si nous n’avions pas lu tous les rapports Piel-Roelandt, d’Allilaire, de Berland, de Clery-Melin, nous
aurions pu croire à un canular !
Depuis la publication de ces rapports, textes du Ministère de la Santé, nous n’avons pas cessé de clamer « urbi et orbi » la réalité de notre identité professionnelle, fondée sur notre formation à la faculté des Lettres et Sciences humaines (et pour la psychophysiologie, la faculté des Sciences ). Cette formation, pluridisciplinaire, menant à l’obtention du titre de psychologue ( loi du 25-7-1985)* délivrée à un trop grand nombre d’étudiants les deux premières années - ouvrant à un milieu non spécialisé en stage de Licence, devient très exigeante, très sélective à partir du Master ( ex maîtrise le plus souvent préparée en deux ans et le DESS qui accepte environ un étudiant sur 4 ... ), articulée sur les expériences d’au moins deux stages longs sous la responsabilité d’un psychologue praticien, dans une équipe institutionnelle et élaborée à l’université, menant à un mémoire de recherche. Ces stages se font en milieu hospitalier général psychiatrique (il y a, en général, obligation d’avoir fait l’un d’entre eux auprès de psychotiques ) - dans l’Enfance inadaptée /Handicap, en milieu judiciaire et pénitentiaire etc.... Nous n’avons cessé de dire et redire aux parlementaires, aux conseillers du ministre de la Santé, au précédent ministre −que notre profession n’était pas une « profession de santé », qu’elle se distinguait du champ médical et paramédical et ne saurait, à ce titre, figurer dans le Code de la Santé publique - ce qui a été précisé lors du débat parlementaire de 2004 /article 52, −qu’elle était fondée sur une épistémologie précisément spécifique autour de la rencontre intersubjective, très différente de celle des « sciences de la vie » ce qui lui permet d’accueillir en accès direct toute demande du public, −que c’est précisément la raison pour laquelle la demande sociale, émanant des milieux les plus divers de la société, entre autres dans le champ de la santé, se fait croissante à l’adresse des psychologues : la médicalisation de cette relation intersubjective en transformerait la nature, en en faisant un « objet de consommation » se substituant à l’espace de relation attendu par le public, • Psychologues et Psychologies n° 18o- que c’est précisément cette formation ainsi que notre Code de déontologie (1996) qui posent le cadre de l’autonomie professionnelle, du choix des méthodes par les praticiens, de l’exercice en pleine responsabilité qui exclut toute « prescription ou délégation médicale » ainsi que tout remboursement des actes par l’Assurance maladie (possible sur des budgets annexes) C’est d’ailleurs au nom de cette formation visant à la recherche de « l’autonomie de la personnalité » que les psychologues sont autant sollicités par tous les modes de prévention de la naissance (maternité) à tout le développement harmonieux de l’enfant et de l’adolescent à l’école jusqu’à la mort (gérontologie, soins palliatifs). C’est aussi grâce à cette formation pluridisciplinaire que les psychologues sont aptes à traiter des problématiques groupales et institutionnelles qui les occupent autant dans toutes les institutions où ils exercent. C’est pourquoi nous nous insurgeons avec véhémence contre les propos disqualifiants du texte cité plus haut et contre l’éventualité émise par le ministère de la Santé de placer la formation en psychologie clinique, ne serait-ce que partiellement, sous la tutelle des facultés de Médecine. Bien évidemment, la situation actuelle peut encore être améliorée. La profession, conformément à l’évolution européenne, a des propositions concrètes relatives aussi bien à sa formation qu’à son exercice et à sa déontologie. Dans le souci d’apporter des garanties meilleures au public nous souhaitons voir concrétisées rapidement des propositions telles qu’une sixième année d’immersion professionnelle (cf. diplôme européen de psychologie ), la légalisation du Code de déontologie des psychologues et une remise à plat des dispositions statutaires des psychologues de la FP. Françoise Caron Jean-Paul Aubel *loi du 25 juillet 1985- n°85-772 - chapitre 5 - article 44 instaurant un titre unique à partir d’« une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie » - intitulée « Dispositions diverses d’ordre social »
• Psychologues et Psychologies n° 18o

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