"La parole est à Mme Laurence Cohen (orthophoniste, Membre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes,). Mme Laurence Cohen. L’argumentation de M. Daudigny,... quelle mouche a piqué nos collègues pour qu’ils retirent du projet de loi une disposition importante touchant au projet psychologique des établissements."
Une bonne résolution pour 2016 : un pole de psychopathologie pour la prise en compte des aspects psychologiques et la singularité des patients dans les établissements de santé en s’appuyant sur l’introduction dans la loi "santé, de la référence à l’organisation de la prise en charge psychologique. Où en est-on du projet psychologique ? en 2016. "À côté d’un projet médical d’établissement, un projet psychologique est une bonne chose. Il s’agit de deux notions complémentaires bien sûr, mais toutes deux ont besoin d’être reconnues. M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 617 et 1106. (Les amendements sont adoptés.)"
Voila un extrait des échanges entre nos représentants qui font les lois : vous pourrez constater le conservatisme d’une partie du pouvoir médical sur des questions essentielles, notamment la prise en compte de la dimension psychologique des maladies en la ravalant dans le champ médical. Certains s’illustrent par leur inculture s’agissant des connaissances actuelles dans le domaine de la pluridisciplinarité des recherches sur les maladies somatiques et leur résonnance psychique et dans celui de l’épisthémologie attachée à chaque discipline.
Nous invitons le corps médical à s’enculturer des disciplines voisines de la médecine
Article 26 bis B
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 617 est présenté par M. Daudigny, Mme Bataille, M. Cazeau, Mmes Emery-Dumas et D. Gillot, M. Labazée, Mme Lienemann, MM. Manable, F. Marc, Marie et Masseret et Mmes Schillinger et Yonnet.
L’amendement n° 1106 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 6143-2 du code de la santé publique, après les mots : « qu’un », sont insérés les mots : « projet d’organisation de la prise en charge psychologique et un ».
La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 617.
M. Yves Daudigny. Le projet d’établissement de l’hôpital constitue, aux termes de l’article L. 6143-2 du code de la santé publique, la politique générale de l’établissement ; il est établi sur la base du projet médical et comporte un projet de prise en charge des patients, ainsi qu’un projet social.
L’Assemblée nationale a jugé qu’il était de l’intérêt des patients et du personnel médical que ce projet d’établissement comporte également un volet relatif à la prise en charge psychologique. Elle a complété en ce sens l’article précité, avec l’avis favorable de son rapporteur et du Gouvernement. Notre commission a supprimé cette disposition, pour des raisons que, je l’avoue, j’ai mal comprises – sans doute mon cerveau n’a-t-il pas bien fonctionné, car les explications étaient sûrement très claires.
Je les ai d’autant moins comprises que la commission avait auparavant estimé que « la dimension psychologique des prises en charge hospitalières est importante ». Pourquoi, dans ce cas, vouloir cantonner ces prises en charge aux soins ? Cette conception me paraît tout à fait contradictoire avec l’approche globale de la personne hospitalisée qu’il s’agit de promouvoir : une approche qui, justement, ne se cantonne pas au seul aspect somatique. Quid, en effet, si l’on suit ce raisonnement, du projet social d’ores et déjà prévu dans le projet d’établissement ?
Cette démarche transversale nous paraît justifier l’intervention des professionnels compétents en matière psychologique. Ainsi, chaque hôpital aura la possibilité d’adapter et de coordonner ses projets, en fonction des disciplines médicales qui lui sont propres et des besoins spécifiques des patients qu’il accueille.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 1106.
M. Jean Desessard. Cet amendement est identique à celui que vient excellemment de défendre M. Daudigny.
M. le président. L’amendement n° 757, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 6143-2 du code de la santé publique, après les mots : « qu’un », sont insérés les mots : « projet psychologique et un ».
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. L’argumentation de M. Daudigny, dont l’amendement est très voisin du nôtre, était en effet excellente ; permettez-moi néanmoins de vous exposer celle de mon groupe.
Il s’agit de rétablir un article que la commission des affaires sociales a quelque peu hâtivement supprimé. À la vérité, on pourrait se demander quelle mouche a piqué nos collègues pour qu’ils retirent du projet de loi une disposition importante touchant au projet psychologique des établissements.
Il convient que la dimension psychologique de l’activité hospitalière soit partie intégrante de la démarche de soins, quand bien même cette dimension dépasse à bien des égards les seules personnes en traitement. Faut-il rappeler l’importance du projet psychologique d’un établissement ? Ce projet n’est pas l’appendice de l’activité médicale en direction des patients : il peut recouvrir également la relation entretenue avec les familles des patients et l’interaction entre traitants et traités, sans oublier le questionnement des professionnels hospitaliers eux-mêmes dans l’accomplissement de leurs missions.
Sans doute, les psychologues cliniciens, c’est-à-dire celles et ceux qui disposent d’une expérience importante du milieu hospitalier, souffrent d’un statut imparfait, voire d’une absence de statut, ce à quoi il est temps de remédier ; mais ce n’est pas une raison pour ne pas rétablir l’article 26 bis B du projet de loi. Il faut absolument avoir à l’esprit que l’intervention de ces professionnels est essentielle et travailler à les intégrer durablement dans les équipes hospitalières avec un statut digne de ce nom.
En 2015, mes chers collègues, il importe de mesurer que la qualité des soins, que nous devons préserver, découle d’une approche globale, qui n’est pas seulement curative et préventive, mais s’attache aussi à l’ensemble des données psychologiques ; cette approche repose sur des collaborations diverses entre équipes, au sein desquelles les psychologues ont un rôle important à jouer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, corapporteur. La commission a supprimé le projet psychologique de l’hôpital pour deux raisons.
Premièrement, elle estime que les soins psychologiques font partie du projet de soins et qu’il n’y a pas lieu de leur faire un sort à part. Pour notre part, nous envisageons la médecine d’une manière globale : on soigne un malade dans toutes ses dimensions. Aussi le projet psychologique ne doit-il pas être séparé du projet médical, mais en faire partie intégrante.
Deuxièmement, la commission a considéré que, en l’absence de statut des psychologues dans le code de la santé publique, on voit mal qui élaborerait un tel projet.
Monsieur Daudigny, je ne suis pas du tout d’accord avec vous. Un projet de soins n’est pas purement somatique : le malade doit être appréhendé dans sa globalité, à la fois soigné pour ses maladies et rééquilibré sur le plan psychologique. De mon point de vue, si le projet psychologique de l’hôpital est séparé du projet médical de soins, c’est que les psychologues ne font pas partie de la médecine ; tel serait le corollaire de l’adoption de ces amendements. Or les psychologues hospitaliers œuvrent tout autant à la guérison d’un patient que les cardiologues, si ce dernier est en cardiologie, ou les cancérologues, s’il est en cancérologie – un secteur dans lequel la dimension psychologique est spécialement importante.
Si l’on veut instaurer un projet psychologique séparé du projet de soins, que l’on instaure aussi un projet dermatologique, un projet pédiatrique, un projet de chirurgie osseuse et un projet de chirurgie digestive. Moyennant quoi, on ne fera plus de la médecine, mais des spécialités médicales !
Je puis me tromper, mais je considère vraiment qu’un projet psychologique séparé n’a pas de sens. Dans un hôpital, un projet médical doit être global, et la psychologie doit naturellement y être incluse ; nous n’avons jamais dit que la psychologie et la psychiatrie n’existaient pas.
Nous parlerons tout à l’heure des groupements hospitaliers de territoire de psychiatrie. Si l’on place la psychiatrie à part de la médecine, comme on l’a fait pendant des années, il se produit que, dans les services de psychiatrie, les malades meurent beaucoup plus jeunes qu’ailleurs, faute de recevoir des soins somatiques.
Mes chers collègues, promouvons une médecine globale en réunissant l’ensemble des spécialités dans un programme médical unique, qui traite des soins destinés à toutes les parties du corps, y compris le cerveau !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Pour ma part, j’émets un avis favorable sur ces amendements.
J’entends bien qu’il existe un projet médical global ; mais il se trouve que les psychologues ne sont pas des professionnels médicaux, ce dont il faut tenir compte.
Par ailleurs, je rappelle que, jusqu’à l’adoption de la loi HPST, la psychologie était spécifiquement identifiée comme contribuant au projet de l’hôpital. La suppression de cette mention en 2009 a abouti à un déclassement de fait de la reconnaissance accordée à ces professionnels et à l’accompagnement qu’ils assurent.
C’est pourquoi il me paraît nécessaire que le projet d’établissement comporte un projet d’organisation de la prise en charge psychologique, qui garantira la prise en compte de la dimension psychologique des patients.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, corapporteur.
M. Alain Milon, corapporteur. Il est vrai que les psychologues ne sont pas des professionnels médicaux, mais prévoir un projet psychologique séparé du projet global ne fait qu’accuser cette situation en marquant qu’ils sont à côté du reste de la médecine. C’est encore pire !
La médecine, à nos yeux, est un tout. La psychologie n’est certes pas encore une profession médicale, mais d’autres professionnels exercent à côté des médecins sans être des professionnels médicaux : professionnels paramédicaux, ils font d’une certaine manière partie du projet.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson,(Médecin anesthésiste). En ce qui me concerne, j’avoue que la formule « projet psychologique de l’hôpital » m’interpelle.
Il est bien évident que la dimension psychologique de la prise en charge des malades est importante. En outre, la dimension psychologique concerne à la fois les relations entre les soignants et les patients, celles entre les soignants et celles entre l’administration, les soignants et les patients. Je voterai donc les deux amendements identiques.
J’ajoute que la psychologie à l’hôpital ne relève pas uniquement des psychologues, même s’ils ont évidemment un rôle spécifique à jouer ; elle relève de l’ensemble de la communauté soignante de l’hôpital.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Notre intention n’est pas de mettre à part la dimension psychologique, mais de souligner son importance et son caractère global : elle intègre, entre autres relations, celles des soignants avec les soignés et celles entretenues avec les familles. Quant aux professions paramédicales dont M. le rapporteur a parlé, elles participent au projet médical global.
Au moment où les aspects psychologiques font l’objet de réflexions intenses, ne pas faire mention de cette dimension dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé serait un recul. Nous voulons redonner ses lettres de noblesse au projet mis en œuvre en milieu hospitalier, qui doit prendre en compte toutes les dimensions. Mes chers collègues, on a trop tendance à juger le projet hospitalier froid et à trouver qu’il dénie la nécessité de prendre compte la souffrance pour que nous n’insistions pas aujourd’hui sur la dimension psychologique.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Ma prise de parole sera très brève en raison de l’excellente intervention de Laurence Cohen. (M. le rapporteur fait un signe dubitatif.) Oui, monsieur le rapporteur, notre collègue a très bien expliqué que la reconnaissance des psychologues était nécessaire ! À côté d’un projet médical d’établissement, un projet psychologique est une bonne chose. Il s’agit de deux notions complémentaires bien sûr, mais toutes deux ont besoin d’être reconnues.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 617 et 1106.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 26 bis B est rétabli dans cette rédaction, et l’amendement n° 757 n’a plus d’objet.