Nous demandons le retrait immédiat de la circulaire du 22 avril 2016 interdisant la pratique du packing dans les établissements médico-sociaux.

Premiers signataires :
Pierre delion, patrick chemla, yves gigou, michel balat, sarah gatignol, franck drogoul, catherine vanier, alain vanier, maud ravary, céline lallié, mileen janssens, paul machto,

Cette circulaire budgétaire (n°DGCS/SD5C/DSS/CNSA/2016/126 relative aux orientations de l’exercice 2016 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées, mise en ligne le 3 mai 2016) interdit la conclusion de CPOM avec les ESSMS recourant au packing :
« Enfin, la signature des CPOM avec des gestionnaires d’établissements et services accueillant les personnes avec des troubles du spectre de l’autisme est strictement subordonnée au respect d’engagements de lutte contre la maltraitance, et donc à l’absence totale de pratique du « packing » au sein des établissements et services médico-sociaux couverts par le CPOM. (...) ». Aussi, cette pratique doit être considérée comme une mise en danger de la santé, de la sécurité et du bien-être moral et physique des personnes accompagnées par ces établissements et doit donc faire l’objet des mesures appropriées et prévues dans le Code de l’action sociale et des familles (articles L. 331-5 et suivants) ».
Cette circulaire, en déclarant que les soignants qui pratiquent le packing sont des professionnels maltraitants sur la foi d’allégations qui n’ont aucun fondement ni clinique ni scientifique, ne fait que traduire en acte une politique portée par un groupe de pression ignorant totalement les réalités de la cause qu’il prétend défendre.
Depuis Valérie Létard jusqu’à Ségolène Neuville en passant par Marie Arlette Carlotti (mis à part Roselyne Bachelot qui avait obtenu du Haut Conseil de la Santé Publique un avis favorable au packing), nos ministres délégués aux handicapés ont pris partie pour les uns contre les autres, pour le comportementalisme contre la psychanalyse, alors qu’on attendrait d’un ministre chargé d’une question d’une telle importance, celle de l’autisme, sinon une retenue, du moins une capacité à trouver un équilibre qui devrait être attaché à l’exercice de ces hautes fonctions publiques.
Ces ministres ne connaissent de l’autisme que ce que certains groupes de pression leur en ont dit de façon caricaturale, sans prendre la peine de se renseigner auprès des praticiens hospitaliers de secteurs et des professeurs des universités qui accueillent les cas d’autistes les plus graves dans leurs services.
Les recommandations de l’HAS sont promulguées comme nouvelle vérité absolue, sous couvert de la science, alors qu’elles posent problème dans la communauté scientifique, notamment en ce qui concerne les fameuses réussites des méthodes comportementalistes versus les méthodes de la pédopsychiatrie de secteur.
Cette circulaire déclare la guerre aux praticiens du packing sans savoir de quoi il retourne, en se fiant uniquement à des calomnies et à des moyens de désinformation dignes des régimes totalitaires (cf le film d’horreur réalisé sur un soi disant packing par une association d’opposants), et en les traitant de praticiens maltraitants.
Pour avoir osé prononcer de telles accusations sans l’ombre d’une preuve, les équipes soignantes sont diffamées, alors qu’elles ont passé une grande partie de leur existence professionnelle à soigner les enfants autistes les plus graves avec le peu de moyens dont elles disposent.
Les établissements qui continueront à pratiquer le packing pourraient tout simplement ne pas recevoir leur budget et être rayés de la carte du médico-social ? Mais dans quel système politique sommes-nous ?
Ces techniques relèvent d’un autre âge de sinistre mémoire.
Comment peut-on qualifier de maltraitante une pratique qui vise précisément, et y arrive le plus souvent, à arrêter des manifestations d’automutilations dont les décideurs politiques n’ont sans doute même pas idée ?
Comment se fait-il que des parents qui ont vécu cette expérience de l’automutilation de leurs enfants et qui ont vu une nette amélioration par la technique du packing ne soient pas entendus par ceux qui écrivent de telles circulaires ?
Pourquoi n’ont ils pas été reçus au même titre que des associations extrémistes, saturées de haine pour les psychiatres et leurs équipes ? Pourquoi les psychiatres d’enfants et leurs équipes de pédopsychiatrie sont-elles nécessaires pour certains enfants autistes, et notamment pour les plus gravement atteints ?
Parce qu’il en va de notre éthique professionnelle et que personne d’autre ne veut le faire.
La pédopsychiatrie publique est disqualifiée de façon indigne, alors qu’elle rend service au médico-social, à la mesure de ses moyens, notamment en accueillant des enfants orientés dans le médico-social et qui présentent des automutilations. Ils ont besoin de packing et voilà qu’une circulaire irresponsable va le leur interdire.
La pédopsychiatrie va-t-elle disparaître pour donner ses crédits au médico-social et au pédagogique ? Sa mort laissera sur le bord du chemin les autistes les plus graves, ceux dont personne ne parle et avec lesquels les parents sont le plus en difficulté ?
Et il n’y aura plus de services, hospitaliers, au sens propre, pour les accueillir.
Pourtant, dans l’ensemble des troubles envahissants du développement/troubles du spectre autistique, il n’ y a pas que des enfants porteurs de syndromes d’Asperger, il y a surtout les autres, et notamment, parmi eux, ceux dont on ne parle pas à la télévision ni dans les médias, les plus déficients et les plus gravement autistes.
Les enfants autistes ont besoin de l’éducatif toujours, et pour ce faire leurs parents peuvent évidemment choisir la méthode qu’ils souhaitent. Ils ont besoin du pédagogique si possible, mais nous savons que tous les enfants autistes ne peuvent pas aller à l’école, même si nous employons tous les moyens pour y parvenir. Et enfin, lorsque ces deux approches complémentaires ne suffisent pas, ils ont besoin du thérapeutique si nécessaire, et entre autres soins très diversifiés, des techniques d’enveloppement dont le packing est une possibilité. Et ce sont les équipes de pédopsychiatrie qui sont chargées de ce troisième volet de la prise en charge, très souvent en articulation avec le médico-social.
Faire croire par démagogie que les enfants autistes peuvent, tous, bénéficier de méthodes éducatives comportementales exclusives et ainsi être inclus à l’école est un fantasme (et les résultats des recherches menées dans les centres expérimentaux ABA tendent à montrer que les attentes ne sont pas du tout au rendez vous), qui s’il est appliqué sans ménagements, conduira dans le mur d’un totalitarisme qui ne dit pas son nom. Mais entretemps, les moyens mis à la disposition des enfants autistes par les équipes de pédopsychiatrie auront disparu car la disqualification qui règne en haut lieu à ce sujet aura rapidement des effets délétères sur la pédopsychiatrie elle-même.
Les équipes de pédopsychiatrie seraient toutes infiltrées par la psychanalyse et, à ce titre, elles seraient perdues pour l’autisme.
D’ailleurs, des parlementaires, de droite comme de gauche, font beaucoup de bruit à ce sujet en mélangeant tous les problèmes, et tentent d’interdire l’enseignement de la psychanalyse à l’Université dans ce domaine. Quelle régression intellectuelle !
Mais les équipes de pédopsychiatrie d’aujourd’hui se sont formées, ont modifié leurs pratiques en profondeur et les critiques qui leur sont adressées sont devenues infondées dans la plupart des cas. Bien sûr, certaines équipes ont pu commettre des erreurs regrettables et nous dénonçons ces pratiques révoltantes. Mais de grâce, que les critiques de la psychanalyse soient actualisées ! Il faut arrêter de dire ces inepties qui ne concernent plus les équipes de pédopsychiatrie depuis belle lurette ! Il faut cesser ces couplets sur la culpabilisation des mères et toutes ces fariboles ! Tous les parents se sentent coupables dès lors qu’ils ont un enfant malade, quelle que soit sa maladie. Notre fonction consiste à transformer cette culpabilité inévitable en énergie pour leur enfant.
La psychanalyse nous aide à penser la qualité de la relation entre un enfant et ses soignants, ce que nous appelons le transfert, pour mieux être en lien avec lui et l’aider à grandir.
Nous ne prenons pas les enfants autistes sur notre divan, nous tentons de les comprendre à partir de ce qu’ils vivent avec nous « dans le transfert ». Cette réflexion porte un nom : la psychopathologie. Et quand elle est mené collectivement par une équipe soignante, c’est ce que nous appelons la psychothérapie institutionnelle. Voilà autant d’acquis fondamentaux de toute pratique psychiatrique.
Viendrait-on reprocher à un mathématicien d’utiliser la théorie euclidienne sous le prétexte de l’apparition des théories post-euclidiennes ?
Viendrait-on reprocher à un philosophe d’utiliser certaines théories philosophiques plutôt que d’autres ? La physique moderne vit sous le règne de la théorie ondulatoire et de la théorie corpusculaire.
La connaissance en psychiatrie n’est pas réductible aux seules neurosciences et à la génétique, et la psychanalyse nous a aidé à accorder toute son importance aux processus relationnels, et aussi à les théoriser dans le cadre des sciences humaines dont elle fait partie.
Pourquoi, sous le prétexte de faire moderne, devrait-on, et qui plus est par décret, supprimer certains pans de la connaissance au détriment d’autres ?
L’Histoire nous a montré que les périodes au cours desquelles ce phénomène est arrivé ne coïncidaient pas avec une saine démocratie.
Tous ces mouvements dictés par la démagogie font craindre un effondrement des valeurs de la démocratie, et ces décisions en matière d’autisme, et plus précisément celles concernant le packing, sont précisément dictées par des groupes de pression qui ont plus à voir avec l’idéologie ou le commerce qu’avec la science et la clinique. Sinon, pourquoi ne pas attendre le résultat d’un PHRC entamé depuis plusieurs années et qui pourrait donner des éléments de réponses cliniques et scientifiques ?
Pourquoi prendre de telles décisions à la sauvette, comme si nos décideurs avaient peur des résultats ?
Nous attendons autre chose qu’un ministère de la haine en lieu et place d’une autorité pour remettre de l’équilibre et de la mesure dans un domaine dans lequel nous avons besoin des uns et des autres dans une paix de travail retrouvée au service des enfants autistes et de leurs familles.

 

Premiers signataires :
Pierre delion, patrick chemla, yves gigou, michel balat, sarah gatignol, franck drogoul, catherine vanier, alain vanier, maud ravary, céline lallié, mileen janssens, paul machto,