Le remboursement du psychologue, une fausse bonne idée ?

Par Coline Renault Publié le 28/09/2021 à 16:00, mis à jour le 29/09/2021 à 11:05

FOCUS - La consultation d’un psychologue devrait être bientôt prise en charge par l’Assurance maladie. Mais le dispositif tel qu’expérimenté dans quatre départements soulève de nombreuses critiques.

Des séances de psychologue à 60 euros l’heure, ou près d’un an d’attente pour avoir rendez-vous dans un centre médico-psychologique (CMP) ? Voilà le dilemme auquel font face les nombreux Français en souffrance psychique qui souhaiteraient consulter. Pour remédier au problème, Emmanuel Macron doit annoncer, ce mardi 28 septembre, le remboursement des séances de psychologues à l’issue des assises de la santé mentale et de la psychiatrie, selon une information de RTL.

Problème : le dispositif a fait l’objet d’une expérimentation dans quatre départements français (les Bouches-du-Rhône, la Haute-Garonne, les Landes et le Morbihan), et n’a pas convaincu les professionnels du secteur. Seuls 1700 psychologues ont participé à l’expérimentation, soit 5 à 6% des professionnels éligibles. Ces derniers regrettent un parcours de soins « trop lourd », selon Patrick Ange Raoult, président du syndicat national des psychologues, qui « ralentit la prise en charge du patient ».

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Le secret médical en question
Pour pouvoir bénéficier de ces séances gratuites, il faut en effet consulter un médecin généraliste, qui, à l’issue d’un test de santé psychique, prescrit un forfait de quelques séances « de soutien » chez un psychologue, les patients présentant des troubles psychotiques ou des idées suicidaires n’étant pas éligibles au dispositif. À l’issue des dix premières séances, le patient doit retourner chez le généraliste, qui le réoriente vers un psychiatre, qui peut alors prescrire à son tour dix nouvelles séances. « Nombre de mes patients ne souhaitent pas se confier à leur médecin généraliste au sujet de leur souffrance psychique, et les médecins ne sont pas formés en psychopathologie. Cela pose un vrai problème de secret médical », observe Mathieu Collet, psychologue libéral à Millau (Occitanie). Lui a participé pendant près de deux ans au programme pilote, avant de s’en retirer en mars dernier. « Dans la région, l’expérimentation a été un échec. La moitié des psychologues se sont retirés avant la fin », poursuit-il. La durée des séances remboursées, 30 minutes, pose également problème aux professionnels du secteur. « On ne peut pas recevoir un patient dans ces conditions. Alors, les séances sont plus longues… à notre charge », explique-t-il.

Des tarifs « trop bas »
Le montant du remboursement est également critiqué par les psychologues. Le tarif de la consultation est fixé à 25 ou 30 euros, bien en dessous des 50 ou 70 euros habituellement pratiqués. « Les dépassements d’honoraires sont interdits dans le dispositif. Avec des consultations à ce tarif, si on ajoute les charges, le salaire moyen d’un psychologue s’élève à 1240 euros net par mois », soupire Mathieu Collet.

Résultat, seuls les jeunes psychologues en quête de patientèle risquent de recourir au dispositif, à en croire Patrick Ange Raoult. « On risque de créer une consultation à deux vitesses : des séances courtes avec des psychologues moins expérimentés pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir des séances en libéral, comme les autres. On est loin d’un accès universel et direct à la psychologie. » Cet accès-là devrait en effet être offert par les centres médico-psychologiques, ces structures d’accueil en milieu ouvert qui présentent des listes d’attente de 8 mois à un an, selon les régions. « On externalise les manques des CMP, plutôt que de renforcer leurs capacités d’accueil », regrette Patrick Ange Raoult. En janvier dernier, le gouvernement a annoncé l’embauche de 160 personnes supplémentaires dans les CMP sur toute la France.