Accueil > ... > Forum 60

A l’heure de l’Europe , un commentaire pimenté et avec pas mal de bon sens de F Grunspan du SNP sur la journée Europsy !!

21 décembre 2009, 22:59, par psycho

Europsy nous prend pour des ânes !
le 20/12/2009 20:00:00 (44 lectures)

Article paru en tribune libre dans le dernier N° de Psychologues & Psychologies

Quand Europsy se présente sous le signe d’une harmonisation et d’une élévation du niveau de formation des psychologues, on ne peut qu’y souscrire. Quand s’y rajoute la volonté d’exercer un contrôle sur la formation, on peut regretter les termes mais comprendre qu’il est question de qualité et trouver cela souhaitable. Malheureusement, dès lors que l’on est entré dans le vif du sujet de cette journée qui voulait être, rappelons-le, une réflexion sur les conditions de mise en place d’une année professionnelle supervisée, la déception, voire la consternation ne tarde pas. Car qu’est-ce que la supervision selon les représentants d’Europsy ? C’est une litanie de concepts plus creux les uns que les autres, au mieux frappés au coin d’un bon sens dont on peut espérer qu’un élève moyen du secondaire maîtriserait l’articulation et, déjà, en demanderait le prolongement épistémologique. A force recours de diaporama dans ce style si lénifiant auquel nous ont désormais habitués les gestionnaires de bonnes pratiques et commerciaux pharmaceutiques, on débite toutes sortes de lieux communs, de simplification dont l’épuration même montre le vide de la pensée qui y est proposée. Et ceci est ce qui, in fine, viendrait constituer cette fameuse « harmonisation ». On pourrait en rire. Il faut hélas en pleurer quand ce sont des psychologues, enseignants, chercheurs, praticiens qui nous annoncent avec le plus grand sérieux que ce qui fonde la nécessité d’une pratique de supervision c’est… que « la supervision, c’est très important. » Point. Cela ne s’invente pas. Ou bien encore que « l’on sait maintenant qu’il est difficile d’apprendre des habiletés complexes sans une réflexion soutenue avec un superviseur » (sic). Nous faisions donc, jusqu’à ces découvertes récentes, de la prose sans le savoir. Passons sur l’utilisation ad libitum de photographies animales ou de croquis plus ou moins humoristiques censés nous aider à comprendre la subtilité de la relation thérapeutique, tout cela digne d’un Jojo lapin forme des psychologues. Prenez ce genre de sottises, mélangez-moi ça avec ces termes – d’autant plus jolis qu’on y range ce que l’on veut selon la mode – « d’intégration des savoirs », de « régulation de l’estime de soi », « d’alliance de supervision », de « conscience réflexive de soi » (sic. On supposera qu’il existe donc une conscience réflexive d’autrui…) et ainsi se trouve expliqué, non pas la mutité de votre fille, mais toute la dialectique de la subjectivité. Maintenant que l’on sait ce qu’est un sujet, on peut balayer d’un revers de main tous les travaux antérieurs sur la complexité de la question ontologique. L’homme redevient individu, guidé par cette seule conscience qu’il va suffire de bien superviser. Cela grâce à cette invention formidable qui découpe la personne en trois quartiers : savoir, savoir-faire, savoir-être qui déclinent dans leur sillage des listes de compétences. Dans les temps actuels, il faut être particulièrement sourd pour ne pas entendre la souffrance des professionnels qui ont été « formés » par cette moulinette conceptuelle, particulièrement aveugle pour ne pas voir ces corps qui à l’occasion chutent des étages.Sont-ils seulement allés voir l’étymologie de compétence, dans son rapport à la compétition, ces gens bien intentionnés qui souhaitent en faire le pivot de notre formation ? Que les psychologues veuillent se satisfaire d’une telle théorisation, dont la volonté pragmatique cache mal la pauvreté intellectuelle, voilà ce qui est insoutenable.Et que l’on puisse entendre, en final de cette journée et comme « point positif », que « tout cela va nous permettre de réfléchir un peu » ne résonne-t-il pas comme un aveu ultime ? Mais enfin, en sommes-nous donc arrivés là, qu’on prétende que nous avons besoin d’être aidés par ces concepts inconsistants et réducteurs, ces formules à l’emporte pièce, dites comme allant de soi : la supervision comme « développement de la compétence du supervisé et du bien-être du patient ». Mais qui définit le bien-être quand il est pourtant si évident que ce sont ces concepts qui ont besoin que nous les aidions ?
Ce sont les étudiants et les jeunes professionnels qui sont la cible de ce dispositif Europsy. Cela a été très clairement formulé lors de la journée. Ce sont eux dont il s’agit d’harmoniser la pensée et la pratique (nivellement par le bas évidemment) en espérant les rassurer avec l’idée qu’il y aura, comme de bien entendu, « adaptation à la réalité du pays ». Avec ce que l’on a pu entendre, c’est une adaptation à la réalité du pire qui nous est proposée.Jeunes psychologues, jeunes consoeurs et confrères, jeunes étudiants donc, vos ainés deviennent malades. Ils s’endorment et ne veulent plus penser. Réveillez-les. Aidez-les à repenser. Et pas qu’un peu.

F. Grünspan.